mercredi 22 février 2012

Fragments sur l'hypnozoïques, 2

On fait notre voie sur un chemin qui s’accroche au-dessus d’un grand corps de bâtiments ruinés. La piste combine des marches en pierre et une végétation rêche, un peu pauvre, qui ne porte pas de fruits et pratiquement pas de feuilles. Je mets dans ma bouche des baies d’églantine et je ramasse de gros champignons blancs, ceux qui doivent être cuits longtemps avant d’être consommables.
Maintenant on grimpe parmi les érables et les platanes qui se penchent au-dessus des bâtiments qu’on voit lointains, et on pense aux pistes serpentines qu’on a emprunté pour s’en éloigner.
Ca sent le gaz de chauffage en combustion, ça sent les feuilles mortes et le bois pourri. Ca sent comme les résistances chauffantes longtemps froides et subitement parcourues d’un courant électrique.
Dans un autre bâtiment, avec le toit effondré, on fait un petit feu. La brume tombe, avec elle une méchante humidité et une obscurité dure, froide. Dans le mur des prises de courant. Le coéquipier peine à en trouver une qui marche pour l’ordi. Aucune ne marche. Le coéquipier utilisera la vielle dynamo et ça le fait pester de douleur et d’impuissance.
Le feu devient assez grand pour s’occuper des champignons et d’un gibier mutant trouvé dans l’autre bâtiment. Le coéquipier en a assez du regard dégoutant et fixe de la bête, et l’idée de la faire disparaître dans son estomac lui fait plaisir.

Les champignons dansent le long des bulles ascendantes, laissent dans l’eau de cuisson leur toxicité, leur mauvais goût amer, leur élastique dureté. Sans tête, la bête fait beaucoup moins peur, elle est enfin apprivoisée.

Ce qui nous manque, ce sont des bicyclettes, parce qu’à ce rythme, on va indéfiniment errer entre les plus petits chemins, qui se ressemblent tous, et n’ont aucun panorama. Il faudra adapter le matériel à cette nouvelle façon d’aller, mais le coéquipier pense d’ors et déjà qu’avec un vélo il pourrait remplir les accus, recharger l’ordi, et se passer de la vielle dynamo qui est trop lourde à porter. L’idée de rouler, ça l’excite jusqu’à la jouissance. Il lui semble qu’en roulant les choses seront psychologiquement différentes.

Voler un vélo, dans les rues de quelque grande ville, c’est chose aisée. En voler deux, c’est moins évident. Si je veux rester avec le coéquipier, il faut presque qu’on vole les deux vélos ensemble, qu’on trouve un endroit où deux sont parqués. Mais trouver deux vélos dehors avec ce que ça coûte, c’est difficile. On en voit quelque uns, isolés comme des chevaux tristes ou des chiens abandonnés, bardés de chaînes en acier, mais deux, c’est beaucoup plus rare.

2 commentaires:

  1. Ce que j'aime avec ce texte, c'est que je peux le lire sans faire attention au sens qu'il véhicule, juste le parcourir des yeux pour le plaisir des mots, qui sont très parlants uniquement par leur sonorité et leur graphie : c'est "bien" écrit. Et puis je peux le relire lentement, en pesant chaque mot cette fois pour son sens, et me plonger dans le récit, suivre l'histoire. Et elle me plaît aussi.

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    1. Merci beaucoup pour votre critique! J'espère que vous reviendrez lire ici souvent.
      Vôtre
      Monsieur.

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