dimanche 2 septembre 2012

La Machine de Langage, 2nd fragments.


Pour information, l'Ere du Repos est le titre générique d'un ensemble de 4 ou 5 textes de science-fiction décrivant l'ère du repos, une époque future et imaginaire. Le premier texte, que j'ai déjà écrit et dont des fragments ont été publiés ici, s'intitule Chasseurs d'Escargots. Le second texte, dont voici un nouvel extrait, porte le titre de La Machine de Langage. 
Le présent texte est écrit au passé, car il est récité par un des acteurs du récit principal. La Machine de Langage sera sans doute un récit au présent, mais agrémenté de sous-récits provenant du passé.

La trépanation avait bon dos dans les métropoles.

Il y avait ce qu'on appelait un peu au hasard et par goût du néologisme la pictoctomie. Il s'agissait pour des chirurgiens spécialisés dans le cerveau et les centres nerveux de pratiquer l'ablation d'une toute petite zone du cortex lié à la vue qui conditionnait la reconnaissance des images. Une fois privé de ce bout de chair, les patients étaient dans l'incapacité d'apprécier la présence d'une image. Ils les voyaient, mais ne les remarquaient pas. Pour eux, une image se fondait en surface et en motif. Le plus curieux, c'est que cette opération n'affecta que peu la capacité de lire. Elle nécessitait néanmoins une certaine rééducation, et ne pouvait se faire que face à un spectre bien définit de caractères et au prix d'efforts laborieux.

Certains patients montrèrent une forme de résistance. Cette résistance provenait des gènes mutants du cerveau des deux dernières générations. Si une partie du cerveau subissait une ablation, il y avait des chances pour que ladite zone se régénère en partie. Comment ? Certains observateurs soutenaient que les cellules nerveuses ont un plan de principe de toutes les cellules les entourant directement, tout comme les harengs ont une représentation de l’espace tridimensionnelle les renseignant sur la position exacte de tous leurs congénères autour d’eux, quand ils sont en banc. Si les cellules venaient à être détruites, leurs voisines pouvaient régénérer celles qui leur étaient directement contigües. Celles-ci renaissaient elles-mêmes avec  leur potentiel de « connaissance » diffuse de leurs voisines directes.
Si néanmoins le trou était trop étendu, il ne se rebouchait jamais complètement. La solidarité des neurones avait ses limites, des limites purement spatiales.
Ainsi pouvait-il être dit que la connaissance du cerveau était elle-même contenue dans les cellules le composant, sorte de conscience instinctive de son étendue, et de son plan de réseau.
 
Certains « sauvaient » les pictoctomés en les emmenant dans la nature la plus sauvage, avec des ordinateurs. L’isolement, le relais que faisait pour eux l’humble machine, ainsi que les capacités naturelles de récupération du cerveau, lui permettaient de recouvrer entre 40 et 80% des capacités perdues.