Envie de course dans la boue et dans le
froid, pas eu le temps en sortant de prendre les affaires
essentielles, tout me résistait tellement qu'à la fin non, pas de
soucis, j'accepte même que le soleil ne se lève pas, qu'il mette de
plus en plus de temps à se lever, dans ce mini-moment d'absence à
mes fonctions intellectuelles j'avais le choix entre dormir et ne pas
dormir, je me suis redressé parmi les couvs et j'ai regardé les
autres dormir, ils dormaient, et je suis parti rapidement enfilant
uniquement une cape fermée devant, parti en courant entre les
immeubles récupérer la machine à texter chez Macha, il faisait
glacial des mains et des pieds nus mais j'avais chaud à la tête,
moi pauvre dépossédé n'avais rien, pas même le souvenir d'un
texte de Lowkow car elle était la seule à me texter dans le noir,
le soir venu, par delà les plaines où courent les câbles infinis
bouclant l'immense boucle électrique territoriale,
Trak l'info, il était venu depuis une
grande ville travers la nuit gelée (moyen de transport inconnu), et
avait trouvé l'espace immense et vierge, et l'endroit en entier
était sur la boucle du grand câble est-ouest qui passe sous la
terre, la chaleur s'échappait par des centaines de fenêtres
crevées, et en petit groupes de huit, en petites équipes de
skavengers, on déplaçait les carreaux pour faire un feu dans le
trou... Sous les carreaux, pas de terre, du béton coulé... Sous le
béton le sous-sol, inondé depuis très longtemps, et toute
l'installation électrique ancienne est morte, tout ce qu'on utilise
dans le château-village marche quand branché à une dynamo qui
s'active au moins à deux... l'âtre brille, dehors le vent souffre
les arbres et les forêts qui ont poussé plus haut que la
maison-village, dont des portions importantes se sont depuis
longtemps effondrées... Bien que les générations d'anciens
skavengers ont entretenu la place face à l'établissement des
végétaux... Quasiment rien à manger, la tête penchée en
direction du bas avec un air absent, méchant, travaillant, c'est le
vent... Et la joie de tuer à manger, que les miettes dispersées
dans la prochaine rivière, très très grand bâtiment-maison-village
attaché à une route qui fut large de trente mètres mais qui n'a
plus que la largeur de deux cyclistes roulant côte à côte à
distance amoureuse, le soir d'hiver quand ils reviennent de la ville
sur leurs rouilles qui couinent chacun leur tour, les bras chargés
de légumes.